Pourquoi se concentrer quelques heures sur la trace ?
Sur les courses d’ultra avec itinéraire libre certains vont passer des journées entières à mapper tandis que d’autres arrivent au départ avec un itinéraire fait sur Komoot en 10min.

J’écris ici pour partager mon expérience plutôt concluante lors des deux dernières éditions de la Desertus Bikus.
The map of chaos : the Disasterus Bikus
Prenons un exemple extrême lors de la Desertus 2024. Un adversaire de renommée internationale est au départ : Justinas Leveika (aujourd’hui détenteur du record du Tour Divide). À la vue de son palmarès il faisait partie des favoris.
Cependant, à l’issue d’une course chaotique il est arrivé 8ème avec 12h de retard sur le vainqueur. Il a été distancé en s’infligeant une trace très technique avec son Trek Madone chaussé de pneus route (GP5000).

La map de Justinas tendait à minimiser le nombre de kilomètres sans se soucier suffisamment des reliefs ni des surfaces empruntées. Ce fut éprouvant et frustrant pour lui.
Même pour le meilleur bikepackeur du monde une mauvaise trace peut compromettre l’aventure.

En plus de nous éviter des mauvaises surprises, la planification de l’itinéraire va faire office de repérage et nous apportera un sentiment de déjà-vu réconfortant en route.
Les limites des calculateurs d’itinéraires
On a tous eu l’occasion d’utiliser Komoot, Strava, Garmin Connect ou d’autres calculateurs d’itinéraires pour nos sorties à vélo. C’est rapide et ça va nous permettre de construire la base du tracé. Cependant chaque algorithme a ses avantages et ses faiblesses.

Vous connaissez probablement les Komooteries : ces fourberies de Komoot qui a jugé bon de vous envoyer en vélo de route sur un sentier privé plein de ronces, un escalier monumental avec 841 marches ou même un ruisseau avec un débit de 12m³/seconde…
Strava joue généralement moins de mauvais tours mais il fait parfois prendre des détours importants pour passer sur la grosse route préférée du peloton des dentistes du dimanche. À l’inverse de Komoot il va parfois considérer impraticables des pistes peu fréquentées.
On va donc chercher à combiner différents outils pour obtenir un itinéraire optimal.
Les différents paramètres
Qu’est-ce qu’une bonne Map pour une course d’ultra ? Malheureusement ce n’est pas celle qui va vous faire découvrir le plus de lieux touristiques, ni celle qui vous fera grimper les cols les plus mythiques.

En ultra les distances sont suffisamment folles pour qu’on privilégie l’économie d’énergie. Chaque watt économisé nous rapproche de l’arrivée.
C’est la philosophie que j’applique mais libre à chacun de suivre la sienne.
Le trio Distance / Dénivelé / Surface
Qu’on veuille faire la course ou simplement finir dans les délais, on va chercher à faire le moins de kilomètres possible, notamment en prévision de la fin de course où on aura vraiment envie d’arriver. L’ultradistance oui, l’extradistance non.

Moins il y a de dénivelé, plus la vitesse moyenne est élevée. Ce n’est pas une révélation mais c’est d’autant plus vrai avec un vélo chargé ! On va donc chercher une trace la plus plate possible. Et c’est valable qu’on veuille aller vite ou non car à vitesse égale on va dépenser moins d’énergie. J’aime utiliser Strava pour le calcul du dénivelé car il donne des chiffres plutôt proches de la réalité.
Le troisième grand paramètre c’est la quantité de kilomètres non goudronnés. La Desertus c’est gravel ou c’est pas gravel ? À vous de voir mais peu importe le choix de pneus on ira toujours plus vite sur un billard fraîchement goudronné que sur une vieille piste cabossée. Sur les sentiers et les pistes on peut rapidement perdre plusieurs heures. Sans parler du confort qui sera ioig sur route. Donc globalement le moins de gravel il y a, le mieux c’est.


L’exercice va consister à trouver le bon équilibre entre distance, dénivelé, et portions gravel.
Les outils
On peut, comme Germain, naviguer en lisant des cartes papier 1/50 000. Ou alors, comme 99% des participants, charger l’itinéraire sur un GPS.

Lorsque j’attaque le mapping je m’installe confortablement devant mon ordinateur et j’ouvre pleins d’onglets :
- Komoot (l’abonnement premium rajoute quelques fonctionnalités) : pour l’algorithme de calcul d’itinéraire et l’intégration de Google streetview
– - Strava (le planificateur fait partie des fonctionnalités premium 🤑☹️) : pour son algorithme et la carte d’activités mondiale « heatmap »
– - Google maps : pour la fonction Streetview et le repérage des commerces / hôtels / services
– - gpx.studio : une application Web qui permet de charger des fichiers GPX et de les fusionner
– - Geoportail (France) : Pour consulter les cartes IGN 1/25 000
– - Iberpix (Espagne) : le Geoportail de l’IGN espagnol pour consulter les cartes topo 1/25 000
– - Climbfinder.com : pour repérer le profil des grandes ascensions
– - Le mail avec les coordonnées GPS des checkpoints
– - Un bloc note
–
Il existe d’autres calculateurs intéressant comme Ridewithgps mais je n’ai pas l’habitude de les utiliser, à vous d’expérimenter.
En complément j’utilise une application avec des cartes hors-ligne sur mon téléphone, à la fois pour une meilleur lisibilité des cartes et pour avoir un système de navigation de secours : OSMand . Le téléphone va me servir à noter les points de ravitaillement.

Zoom sur la heatmap de Strava
À mon avis la « carte mondiale des activités » ou « heatmap » est la carte la plus utile pour mapper en terre inconnue.
Il s’agit de la somme des activités vélo enregistrées sur Strava. Plus une ligne est claire plus cet itinéraire est fréquenté.

Cette carte va aussi nous donner des informations sur d’éventuels obstacles. Lorsque l’on voit une ligne qui s’arrête brusquement ça peut être signe qu’il y a :
- un tunnel ou une autre section où le signal GPS ne passe pas (un brouillard de traits apparaît, ici un tunnel sur la route du col du Soulor au col d’Aubisque)
- un obstacle infranchissable comme une clôture (la trace s’arrête net, ici une propriété clôturée)
- un passage impraticable à vélo : gué profond, pente trop forte (la trace s’arrête puis reprend un peu plus loin, ici une pente extrêmement raide)
L’algorithme du planificateur utilise déjà intensivement la heatmap mais on peut utiliser la heatmap visuellement pour trouver des raccourcis.
Le découpage
Les GPS peuvent avoir du mal à gérer une trace de 1000km ou plus. Le découpage le plus simple consiste à créer des itinéraires entre les checkpoints.

Tracer sa route
Les grandes lignes
Il est temps de forger un premier brouillon de la trace « CP1 ».
Dans un premier temps je vais charger les coordonnées GPS des points de passage A = départ, B = CP1A dans Komoot en mode « Cyclisme sur route ».

Je peux déplacer la trace si passer par une autre route goudronnée semble visuellement plus courte et voir si le dénivelé augmente ou non.
Si la trace nous fait traverser la chaîne des Pyrénées au pays Basque 🌶️ il serait judicieux de repérer le profil du col par lequel on va passer sur Climbfinder.com ou cols-cyclisme.com

Une fois satisfait vais l’appeler CP1_Komoot_#km_#d+
en remplaçant #km
par le nombre de km et #d+
par l’élévation. J’enregistre la trace dans Komoot puis « Télécharger le fichier GPX ».
Je conseille de charger la trace provenant de Komoot dans Strava pour corriger le dénivelé. Surprise, il augmente souvent de 5 à 10% sur Strava (ce qui rend l’option Komoot moins intéressante) ! Dans le cas présent cette première trace passe de +4690m à +5074m de dénivelé cumulé (+400m).
Je vais ensuite saisir les coordonnées dans le planificateur d’itinéraires de Strava avec les réglages « Suivre les itinéraires les plus populaires ». On peut à nouveau essayer de déplacer la trace lorsqu’une autre route semble + directe pour voir comment le dénivelé évolue et si ça semble goudronné ou non. Une fois satisfait je vais l’appeler CP1_Strava_#km_#d+
On peut aussi expérimenter Strava avec le réglage « Suivre l’itinéraire le plus direct + privilégier les surfaces goudronnées ». Mais attention il a tendance à intégrer des sentiers dont il ne connaît pas la surface et c’est souvent impraticable. Il faut vérifier manuellement tous les passages qui sont indiqués « surface inconnue ». Si j’arrive à une trace satisfaisante je peux l’enregistrer comme CP1_StravaDirect_#km_#d+
J’enregistre les différentes traces au format GPX et les charge dans gpx.studio afin d’avoir une vue globale des différentes options. À partir de là je vais pouvoir faire un premier choix pour la trace de base sur laquelle je vais ensuite travailler sur Strava.
L’accès aux checkpoints
Les checkpoints de la Desertus étant souvent accessible uniquement par des portions off-road, il est important de leur réserver un attention particulière car les accès peuvent être restreints.
On va vérifier le pourcentage de surface non goudronnées
Je vais vérifier que la trace sélectionnée précédemment passe par des chemins suffisamment fréquentés d’après les données de la heatmap Strava.